Toile de Jouy

C’est par simple souci d’exhaustivité que le Musée de la Toile de Jouy figurait sur notre liste des musées à visiter. Parce que je l’avoue, l’idée de voir une exposition de bouts de tissus imprimés de motifs champêtres du XVIIIe siècle ne m’emballait pas franchement !

D’ailleurs, j’ai bien vu qu’on faisait tache dans le décor quand nous sommes entrés. Avec nos blousons de moto et nos casques sous le bras, dans le hall de style bonbonnière anglaise, entre deux mamies en déambulateur, nous étions à peu près autant à notre place que des Hell’s Angels venant acheter des napperons brodés dans un magasin de dentelles.

Mais les préjugés sont faits pour être dépassés ! Contre toute attente, j’ai plutôt apprécié. Du moins le rez-de-chaussée de l’exposition. J’ai découvert que l’obscur Oberkampf qui a donné son nom à la station de métro parisienne était en fait le fondateur de la manufacture de toile de Jouy. J’ai découvert que les motifs étaient imprimés par une technique tout à fait similaire à la gravure classique : des plaques de bois ou de cuivre gravées, encrées, puis pressées sur l’étoffe. J’ai découvert les improbables méthodes de fabrication des teintures, comme par exemple le rouge obtenu en broyant des larves d’insectes.

J’ai aussi découvert que l’introduction du coton en France avait donné lieu à des lois ultra-protectionnistes, le gouvernement cherchant à sauvegarder nos industries textiles locales (laine et soie principalement). Mais comme souvent, plus on essaie d’interdire, plus ça suscite de l’engouement et de la curiosité. Du coup, le marché des étoffes-ressemblant-à-du-coton-indien-mais-qui-n’en-sont-pas a explosé, sans parler de la contrebande. Le Roi a donc fini par autoriser l’implantation de quelques manufactures sur le territoire français, qui garderont assez longtemps le monopole de la production des toiles de coton. De la démondialisation mélenchoniste en plein XVIIIe siècle !

L’étage en revanche m’a barbé, avec son exposition de dizaines d’échantillons de tissu. Certes, j’ai appris que contrairement à ce que je croyais, la toile de Jouy, ce n’était pas que des motifs champêtres naïfs. C’était aussi des scènes mythologiques, des allusions à des événements politiques (comme la prise de la Bastille), des références aux découvertes scientifiques (l’invention des aérostats par exemple), des motifs géométriques de style cachemire, le tout souvent gravés par de grands noms de l’époque. Mais quand même. Ca reste aussi palpitant que de feuilleter le catalogue de papiers peints chez Leroy Merlin.