Cotisations sociales

La compétitivité, ou comment inventer un problème qui n’existe pas et inviter dans tous les médias des gens qui n’y connaissent rien pour en parler. (Bon d’accord j’exagère un peu, mais la façon dont le sujet est traité m’énerve tellement, avec ces journalistes capables de présenter un reportage qui montre que la France est le quatrième pays du monde attirant le plus les investisseurs étrangers, et une minute plus tard servir la soupe à un UMPiste qui va hurler au manque de compétitivité, que je n’ai pas envie de faire dans la dentelle.)

Déjà, il y a cette façon dont le patronat essaie de faire croire que les cotisations sociales seraient en fait des charges sociales. Il y a là une grosse arnaque sémantique. Les textes de loi parlent bien de cotisations, un mot qui évoque l’idée de pot commun, de solidarité, d’entraide ; et non de charges, un mot qui évoquerait plutôt une peine, un frein, une entrave.

Mais il y a surtout un grand mépris du salarié. Ami patron, quand tu emploies un salarié, tu n’achètes pas son travail. Tu achètes une part importante de sa vie. Bien sûr, il y a quelques planqués ; mais il ne faudrait pas que ça cache que la plupart des salariés travaillent dur, se lèvent tôt, rentrent tard, et dans un état de fatigue tel que beaucoup n’ont guère envie de faire autre chose de leurs soirées que s’abrutir devant la télé. (Je pense qu'il ne faut pas chercher ailleurs le succès de TF1…)

Oui, ami patron, quand tu paies un salarié, tu n’achètes pas un service ou un produit fini, tu achètes un être humain. Un être humain entier, pas seulement trente-cinq ou trente-neuf heures par semaine, mais aussi toutes les soirées où il est trop défoncé par sa journée de boulot pour que ce temps lui appartienne vraiment, toutes les nuits d’insomnies à cause du stress provoqué par ton management de merde, et je passe sur les maladies professionnelles.

Et figure-toi que l’être humain que tu achètes, ami patron, il n’est pas parfait. Il y a des jours où il tombe malade, il y a des jours où il a des priorités familiales, il y a un âge où il doit s’arrêter de travailler. Et pourtant, tous ces jours-là de non-productivité, il doit quand même manger et payer son loyer. Quand tu paies un salarié, ami patron, tu paies aussi les assurances qui couvriront tous ces jours-là où il sera absent, où il ne produira rien, où il ne te rapportera rien. Ca en fait partie, tu ne peux pas dissocier la vie de ton salarié du travail qu’il produit, tu ne peux pas choisir de payer pour une chose mais pas pour l’autre. C'est un package. « Ne peut être vendu séparément » comme on dit.

Alors, ami patron, maintenant, tu vas arrêter de nous les briser menues avec ton choc de compétitivité, tu vas respecter les êtres humains qui produisent la valeur ajoutée avec laquelle tu rémunères tes actionnaires et tu vas payer tes cotisations sociales sans faire d’histoire. Parce qu’un jour, à trop traiter les gens comme de la merde, il va t’arriver des bricoles et crois-moi, tu l’auras pas volé.