Cap Orne

Marre de la pluie. Un coup d’œil sur un site météo m’apprit qu’il faisait beau en Basse-Normandie. Alors Kawette et moi sommes allés chercher le soleil un peu plus à l’ouest. Une petite boucle Maison, Dreux, Verneil sur Avre, L’Aigle, Sées, Alençon, Mamers, Bellême, Nogent le Rotrou, Chartres, Maison. Quatre cent kilomètres dans la journée et une flopée d’ouvrages gothiques à visiter ! Et une mission accomplie : nous avons bien trouvé le soleil, nous vous l’avons même ramené à Paris.

La plus belle découverte du périple est bien sûr Sées, village d’à peine 4500 âmes mais néanmoins cité épiscopale et siège de l’évêché, avec sa magnifique cathédrale gothique, ses couvents, son abbaye, sa basilique, ses écoles catholiques, et j’en passe. Pourquoi l’Église a-t-elle élu domicile dans ce trou paumé plutôt que dans la grande ville toute proche ? Mystère. Une fâcherie quelconque entre un évêque et le pouvoir local, je suppose. Pas de chance pour Alençon, qui n’a eu ni l’évêché au Moyen-Âge, ni la ligne de chemin de fer Paris-Brest au XIXe siècle, ni l’autoroute A11 au XXe, restant ainsi condamnée au statut de petite préfecture.

Je ne les aime d’ailleurs pas beaucoup, ces petites préfectures de province, toutes bâties sur le même principe, avec une grande rocade pleine de ronds-points qui enserre des quartiers pavillonnaires et des petites cités d’immeubles bas, le tout blotti autour d’un centre historique systématiquement piétonnier : les remparts pour La Rochelle, la cathédrale pour Quimper, l’église Notre-Dame pour Poitiers, l’ancienne halle au blé pour Alençon… On y croise à toute heure de la viande saoule et des punks à chien, on ne s’y sent pas très bien, on se croirait dans un film de Chabrol, il n’y a là que magasins de fringues, galeries commerçantes, et hauts-parleurs qui diffusent de la musique d’ambiance digne de Chérie FM. J’aime les petites villes et les grandes villes, mais pas cet entre-deux.

L’avantage de ces longs trajets routiers à vitesse constante et modérée, c’est qu’on ne consomme rien. Moins de quatre litres aux cent kilomètres, d’après l’ordinateur de bord de Kawette. Du coup on néglige de faire le plein. Oh, j’ai encore le temps, se dit-on chaque fois que l’on croise une station service ! Jusqu’au moment où le témoin de la réserve s’allume alors qu’on est au fin fond de nulle part – entre Nogent le Rotrou et Chartres, pour être précis.

Une foule de villages de plus ou moins grande importance défilent, et pas une goutte de pétrole. Des stations services désaffectées à la pelle. Des garages ouverts mais qui ne vendent pas d’essence. Des garages qui en vendent mais qui sont fermés. Mais où les gens qui habitent ici vont-ils faire le plein de leurs voitures ? On se met à guetter les panneaux qui annoncent les supermarchés à l’entrée des villages. En vain. On veut demander à un autochtone. Mais évidemment, les rues sont désertes. Le pire, c’est qu’à chercher une station dans un endroit inconnu, on fait des détours et on gaspille le fond du réservoir pour rien !

Au bout d’une demi-heure, j’avais définitivement intégré l’idée que j’allais tomber en panne, la seule inconnue étant : où et quand. Trente-cinq kilomètres sur la réserve, quand même, ça commençait à faire. Et soudain, j’ai eu l’idée de chercher Super U sur mon iPhone. Bingo. Il y en avait un à même pas trois minutes. Je ne l’aurais jamais trouvé sans. Promis, j’irai allumer un cierge à la mémoire d’Apple, de Google Map et du protocole TCP/IP !

Petite chevauchée sur l’autoroute pour finir. L’occasion de tester le télé-péage en moto, à propos duquel j’avais lu absolument tout et son contraire : que c’était autorisé, que c’était interdit, que ça ne marchait pas, que ça marchait mais qu’on était facturé le tarif voiture, qu’il fallait le mettre dans telle poche mais pas dans telle autre sinon ça ne captait pas, etc. J’ai bêtement glissé le badge dans mon blouson et me suis présenté à la barrière. Qui s’est ouverte sans encombre. Pareil à la sortie. Heureusement, parce que je ne me voyais pas enlever mes gants, attraper le ticket, le glisser dans une poche, refermer la poche, remettre les gants, avec quinze voitures s’impatientant derrière…

La question à mille brouzoufs est maintenant de savoir si j’ai été facturé pour la bonne catégorie de véhicule. Je suis allé voir sur le site VINCI Autoroutes, mais la facturation détaillée des trajets n’y apparait qu’après quelques jours. La raison de ce délai échappe d’ailleurs totalement à ma compréhension. Le système télé-péage est entièrement informatisé, depuis les bornes sur les autoroutes jusqu’aux sites web des exploitants. Mon esprit limité est incapable de concevoir une seule raison technique valable qui ferait qu’un passage à un péage ne soit pas instantanément visible sur son compte sur internet. À moins qu’il y ait deux systèmes séparés incapable d’inter-opérer, avec une armée de personnel administratif pour recopier les infos à la main de l’un à l’autre, du lundi au vendredi, de 9h00 à 12h30 et de 14h00 à 18h00. Brazil !