Sur Thévenoud

Tel un running gag bien huilé, chaque jour qui passe s'accompagne de la révélation d'une nouvelle chose que Thomas Thévenoud ne payait pas. Ses impôts, son loyer, son kiné, ses amendes… À ce stade, ce n'est plus de la négligence, pas même de la pingrerie, on verse dans la psychiatrie ! Lui-même d'ailleurs emploie le terme de « phobie » pour qualifier son état.

Je suppose que ça l'arrange qu'on le croit malade. En quelque sorte, ça le dédouane un peu. « Ce n'est pas moi, c'est mon inconscient ! D'ailleurs, regardez, j’ai une attestation de la Faculté ! »

Ne soyons pas dupe. S'il existe bel et bien des gens qui ont une peur phobique de l'administration, ceux-là ne se trouvent pas parmi les ministres mais bien plutôt parmi les sans-emplois, les sans-papiers, les sans-domiciles, les sans-dents, bref, tous ceux dont la survie est à la merci d’un aléa de la politique, d’un durcissement d’une règle administrative, de la publication d’une circulaire ministérielle. Le genre de circulaire que pondent des mecs comme Thomas Thévenoud.

La violence des élites ne tient pas seulement au fait qu’ils concentrent davantage d’argent et de pouvoir que les classes moyennes ou populaires, elle réside aussi dans leur maitrise des réseaux, dans leurs amitiés savamment cultivées, qui leur permettent de passer au travers des contingences du commun des mortels. Là où vous et moi investissons du temps, de l’énergie et surtout du stress pour trouver un emploi, une place en crèche ou un justificatif administratif quelconque, d'autres n'ont besoin que d'un coup de téléphone poli à tel camarade de promo devenu entre temps PDG, adjoint au maire, ou haut-fonctionnaire.

Le cas Thévenoud en est la parfaite illustration. Circulait sur Twitter il y a quelques jours un vieil article de Ouest-France où l'on apprenait qu'un quidam avait été condamné à un an de prison ferme en 2010 pour avoir refusé de déclarer ses revenus ; notre ex-ministre auto-proclamé phobique, lui, ne connaitra jamais les barreaux : sa situation fiscale a été « régularisée ». Que de violence et d’injustice derrière cet euphémisme.

Cerise sur le gâteau, celui qui refusait de déclarer ses revenus en privé était le même qui à l'Assemblée Nationale vilipendait la fraude fiscale et était nommé vice-président de la commission d'enquête sur l'affaire Cahuzac.

Je me demande toujours si ces gens se rendent compte. Énième illustration de la parabole de la paille et de la poutre ? Ou bien pleine conscience de ce qu’ils font mais sentiment d’impunité lié à leur statut social ? Ou carrément, la certitude que la loi est faite pour le bas-peuple et certainement pas pour leur auguste personne ? Un peu des trois, j’en ai peur.

En attendant, Thomas Thévenoud ne pourra pas mettre un pied sur un marché populaire ou dans un local du PS avant longtemps sans se faire cracher à la gueule. C’est que le bas-peuple a sa manière de rendre la justice, aussi.

Sinon, pendant ce temps, Manuel Valls fait des imprécations contre la montée du FN.