Capitalisme

Coïncidence programmatique, deux émissions sur l’économie passent sur les antennes en ce moment. L’une sur Arte est un documentaire en six épisodes sur l’histoire du capitalisme, l’autre sur France 2 est un magazine d’économie présenté par François Lenglet. Ce qui est intéressant, c’est que les deux se vantent dans leurs bandes annonces respectives d’une approche dénuée de toute idéologie.

C’est évidemment ridicule. Le discours politique ou économique est toujours idéologique. Parce que la complexité du réel fait que tout choix implique des avantages et des inconvénients, parce que les avantages des uns sont les inconvénients des autres, parce que chacun a sa subjectivité et son échelle de valeur pour juger de la « désirabilité » d’un avantage et de « l’inacceptabilité » d’un inconvénient, parce que chacun a des taches aveugles et des croyances qui biaisent sa vision, parce que le pragmatisme de certains n'a rien de pragmatique pour d'autres, bref parce qu'on parle d'une science humaine et non d'une science exacte, aucun discours n’est neutre.

Qu’un journaliste ignore cette évidence et prétende faire un reportage non idéologique sur l’économie est justement la preuve qu’il ne comprend rien à l’économie. Inutile de dire le peu de crédit que cela donne à son travail.

Mais alors, dans les faits, ces deux émissions, que donnent-elles ?

Le documentaire d’Arte est passionnant, même si un peu chiant dans la forme à mon goût. (Ah ! Le fameux don d’Arte pour rendre ennuyeux les sujets les plus intéressants…) Et bien sûr, contrairement aux prétentions annoncées, il n’est pas neutre. Loin s’en faut. Le choix des intervenants n’est pas neutre ; le choix des extraits d’émissions qui illustrent le propos n’est pas neutre ; le montage, avec des citations brèves, présentées hors contexte, ce qui peut induire un doute sur l’intention réelle de leur auteur, n’est pas neutre ; les effets d’emphase de la réalisation (ralenti, incrustation de phrases chocs à l’écran, etc.) ne sont pas neutres ; même le choix de la musique, qui devient angoissante lorsque le propos se porte sur certains sujets, n’est pas neutre. On va dire qu’il suffit soit d’en avoir conscience, soit de pencher naturellement vers la même non-neutralité, pour que ce parti-pris ne soit pas gênant…

Quant à l’émission de François Lenglet, soyons sérieux. Je ne l’ai jamais regardée. La vie est déjà bien assez pénible pour s’infliger en entier une émission politique du service public.