Journée internationale du pink washing

Comme tous les ans, le 17 mai est donc la journée internationale du pink washing, et c’est particulièrement vrai en cette année électorale où se télescopent la campagne des régionales et celle des présidentielles.

Un moment, je me suis dit que ce n’était pas utile de pointer l’hypocrisie de tous ces politiciens qui se branlent de l’homosexualité toute l’année, voire qui s’affichent avec des homophobes et qui soudainement, par la magie du 17 mai, deviennent l’espace d’une journée très concernés par nos problèmes. Et puis finalement, si. C’est utile. C’est même très utile de rappeler que Pécresse a défilé avec la Manif pour Tous et que depuis son arrivée à la tête de la région, elle a baissé les subventions aux associations LGBT et supprimé les bourses d’études en socio qui s’intéressaient au genre et aux discriminations, c’est très utile de rappeler que Moudenc était en tête de cortège dans la Manif pour Tous, c’est très utile de rappeler que Macron n’a toujours pas fait voter la PMA pour toutes, que son gouvernement expulse des réfugiés LGBT vers des pays homophobes et que sous son quinquennat la France a reculé dans le classement de l’ILGA, c’est très utile de rappeler que plusieurs ministres de ce gouvernement et une foule de hauts responsables politiques sont des homophobes notoires.

Mais surtout, ce qui me frappe, c’est que les mesures proposées (même si elle n’étaient pas purement électoralistes, même si par chance elles parvenaient à se concrétiser) sont à côté de la plaque.

Macron nous conseille d’aimer qui on veut. Excuse-moi, mais d’abord, tout le monde te déteste alors ferme-la et ensuite, on ne t’a pas attendu pour aimer qui on voulait, mon chou. Le problème n’est pas vraiment qu’il est interdit d’aimer, mais qu’on soit obligé de se cacher pour le faire sous peine de discrimination ou de se faire casser la gueule. Schiappa, elle, a dû le comprendre, puisqu’elle propose de mettre des flics partout. Alors. Comment dire. Primo, on ne veut pas de flics, les flics c’est fasciste et ça sert à faire respecter l’ordre bourgeois, qui en l’occurrence est homophobe, donc je ne vois pas bien comment ça pourrait améliorer quoi que ce soit. Deuxio, ça réduit l’homophobie à des comportements individuels que l’on pourrait traquer et punir, d’ailleurs c’est bien connu, on a éradiqué le racisme en le rendant illégal et en punissant les individus racistes, alors ça devrait marcher pareil pour l’homophobie, non ? Alors ma petite Marlène, tes flics, tu les remballes et tu les gardes pour tes romans pornos, c’est un bon filon, il y a plein de gens que l’uniforme et les grosses matraques font bander. Pécresse et plein d’autres nous proposent la main sur le cœur de défendre nos droits. C’est gentil, mais outre que ces tartuffes ont historiquement toujours voté contre nos droits quand il était question de les étendre, je ne crois pas que le problème se situe fondamentalement sur le terrain du droit. Bien sûr, il manque encore la PMA pour toutes, le changement de prénom facilité pour les transgenres, l’interdiction des thérapies de conversion, et plein d’autres choses encore qui amélioreraient ponctuellement le quotidien des gens. Mais ce que je veux dire, c’est que le principal problème auquel tous les LGBT font face, c’est la stigmatisation et la discrimination : dans l’espace public, en famille, sur le lieu de travail, dans l’accès au logement, etc. Or cette discrimination est déjà punie dans le droit français. Qu’est-ce que vous voulez faire de plus sur ce terrain-là ?

Même des candidats honnêtes et remplis de bonne volonté sont souvent à côté de la plaque. « Garantir l’intégrité physique et morale des enfants intersexu·é·s », ça en jette mais c’est vague et concrètement ça ne veut rien dire si on ne dit pas par quels moyens. « Garantir des recherches universitaires sur ces sujets », c’est de bonne guerre parce que ça vise directement Pécresse mais ça reste assez limité en terme d’impact sur ma vie quotidienne. « Garantir la reconnaissance des couples homoparentaux par l’administration », c’est déjà le cas depuis 2013 même si en pratique, les individus qui font tourner le mammouth sont parfois un peu réticents à changer leurs habitudes. « Financer des formations pour lutter contre les discriminations au travail », c’est un grand oui bien sûr, mais j’ai une croyance assez limitée en l’efficacité à grande échelle de ce genre de mesure. Si c’est aussi efficace que les stages de récupération de points pour le permis de conduire…

Non, la seule mesure efficace, on la connait tous, serait de changer les mentalités, changer l’image même de l’homosexualité. On l’a fait pour la cigarette, qui est passée en cinquante ans d’accessoire cool et indispensable à truc ringard qui pue et qui donne le cancer ; mais ça demande des campagnes de prévention massives, des interventions en milieu scolaire, des lois radicales, et un putain de courage politique, parce que oui, changer les habitudes de la population, même si on a de bons arguments pour le faire, même si c’est pour aller dans le sens du progrès, ce n’est pas populaire. Et franchement, vu les tempêtes de merde qu’on se tape dès qu’une association placarde des affiches un peu explicites dans les rues ou qu’un manuel pédagogique parle d’homosexualité au collège ou au lycée, je ne crois pas qu’il y ait à l’heure actuelle un·e seul·e politique qui serait capable de mener un tel programme.